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Chroniques
Jean-Baptiste Lully
Bellérophon
Arrivé en France au début de l’adolescence, le Florentin Lully, né Giovanni Battista Lulli (1632-1687), y complète sa formation musicale jusqu’à l’obtention d’un poste de compositeur de musique instrumentale à la Cour, en 1653. Naturalisé moins de dix ans plus tard, il va rapidement dominer la vie artistique (compositeur de la Chambre, directeur de l’Académie royale de musique, secrétaire du roi, etc.), développant des formes nouvelles ou améliorées tels le ballet de cour, le grand motet, la comédie-ballet ou la tragédie lyrique. Dans cette dernière catégorie, citons Cadmus et Hermione (1673), Thésée (1675), Atys (1676), Persée (1682), Amadis (1684), Roland (1685) ou encore Armide (1686).
Librettiste préféré du réformateur pour son aisance à « aussi bien varier les mesures et les rimes », Philippe Quinault tombe en disgrâce entre Isis (1677) et Proserpine (1680), pour avoir osé comparer Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, à la jalouse Junon. C’est donc Thomas Corneille, déjà collaborateur sur Psyché (1678) et futur associé de Charpentier [lire notre critique du DVD Médée (1693)], qui échafaude le livret de Bellérophon, mais avec nombre d’interventions extérieures (Le Bouyer de Fontenelle, Boileau et… Quinault). Contant un épisode de celui qui vainquit Amazones et Solymes, l’ouvrage en un prologue et cinq actes est créé à l’Académie royale de musique (Paris), le 31 janvier 1679, avec un succès de plusieurs mois.
En compagnie de Sténobée, femme du défunt Pétrus, on y découvre la ville de Parare, capitale de Lycie où la princesse Philonoé va bientôt s’unir à Bellérophon. Or, c’est justement ce dernier, ancien exilé de son royaume, que la veuve du roi d’Argos est venue chercher. Comprenant qu’elle laisse indifférent le petit-fils de Sisyphe, Sténobée commande à l’enchanteur Amisodar quelque monstre pour troubler le mariage des amants. Apparaît alors la Chimère que Bellérophon s’engage à affronter sitôt qu’on l’accuse d’avoir attiré le malheur sur le pays du roi Jobate. Il sort vainqueur du combat, tandis que Sténobée avale du poison avant de reconnaît sa responsabilité.
Plus riche en récitatifs qu’en ballets, l’ouvrage se prête idéalement à une version de concert, à l’instar de celle donnée en décembre 2010 à la Cité de la musique (Paris). À la tête des Talens Lyriques, magistral comme à son habitude, Christophe Rousset combine élégance alerte et nuance gracile, faisant regretter que ces pages ne soient pas présentées plus souvent. Bravo également au Chœur de Chambre de Namur pour ses interventions tendrement équilibrées.
S’il y incarne le rôle-titre, Cyril Auvity paraît moins présent que Jean Teitgen, basse ample à l’autorité naturelle qui multiplie les interventions (Apollon, Amisodar, Sacrificateur, etc.), parfois avec des langueurs cabotines. Ténor plein de clarté, Robert Getchell (Bacchus, La Pythie) séduit autant que déçoit Evgueni Alexiev (Pan, Jobate), baryton plutôt bourru. Côté féminin, de par son chant qui s’arrondit au fil des actes, notre préférence va à Ingrid Perruche (Sténobée) qui a beaucoup chanté Händel jadis (Agrippina, Giulio Cesare in Egitto). Jennifer Borghi (Argie) et Céline Scheen (Philonoë) l’entourent, avec plus ou moins de bonheur.
LB